"c'est le coeur serré que je vous dis qu'il faut cesser le combat". A cause de cette phrase malheureuse prononcée par le Maréchal Pétain le 17 juin 40, deux millions de Français vont être faits prisonniers hors de toute convention d'armistice ( qui ne sera signé que 5 jours plus tard). C'est l'histoire de ces prisonniers coimériens retenus 5 années en Allemagne que nous nous proposons de raconter grâce aux témoignages que vous nous apporterez.

samedi 5 avril 2008

Robert DUJANTIEU MPLF


Robert DUJEANTIEU (fiche MPLF mémoire des hommes orthographié duJEANtieu et duJANtieu sur la tombe)
Mort pour la France le 14-10-1944 (Duisbourg, Allemagne)

Né(e) le 22-02-1919 à Coimères (33 - Gironde)

Carrière
Statut
Unité
Mention
Cause du décès:
Cote

A partir de 1942 Duisbourg (près de la Hollande , sur le Rhin, a subi pas moins de 311 bombardements
soit un tous les trois jours. 80% des bâtiments étaient détruits à la fin de la guerre. Il est probable que Robert Dujantieu a du être enseveli dans son stalag.

A propos de son Régiment 56e RA: extrait du forum http://atf40.forumculture.net/t2141-recherche-sur-le-56eme-regiment-rad-8eme-batterie-en-1940
"Autre chose que je trouve étrange: pourquoi n'y-a-t'il pas toujours exactement la même appellation:parfois RAD, parfois RAM ou RAMD?"
- le 56e RA était une unité d'active, stationnant à Montpellier en temps de paix. C'était aussi un RA de Montagne (donc RAM) depuis les années 1930, destiné à constituer l'artillerie divisionnaire de la 31e DIA en cas de guerre.
À la mobilisation de 1939, il forme donc le 56e RAD (RA Divisionnaire) de la 31e DI; voir la liste des RA sur le site ATF40 et la liste des chefs de corps sur la section Hommes du forum. On peut donc suivre le 56e RAD en retraçant les mouvements de la 31e DI durant la campagne; les dernières unités combattantes de la 31e DI sont effectivement capturées dans les environs de St-Valéry-en-Caux le 12/6/40. (entre Fécamp et Dieppe sur la Manche) Voir par exemple l'historique succinct dans GUF.




Voici ce qu'avait répondu le Service Historique au chef de corps de cette unité, recrée en 1974 comme régiment de réserve stationné à Provins (et dissous depuis) :

"Période 1939-1940 : Les premières mesures de la mobilisation portent le 56° R.A., en échelon de couverture, dans le secteur des Alpes, plus particulièrement dans la région de LE SAIX.
Mis aux ordres de la VIIIème Armée, le régiment fait mouvement sur MONTBELIARD puis sur FERRETTE (Haut-Rhin) où il passe les mois d'hiver à parfaire son instruction.
Le 22 Février 1940, le 56° RA, aux ordres de la Vème Armée, est transporté dans la région de SARREBOURG, en vue de relever le 58ème R.A.D. dans le secteur de BITCHE. Il fait mouvement le 28 Mai sur COURN4Y- EN - BRAY, puis le 2 Juin, dans le cadre de la Xème Armée sur la PRESLE, région sud d’ABBEVILLE.
Le 4 Juin, en liaison avec la 51éme D.I. britannique, la 31ème D.I. (dont fait partie le 56° R.A.) lance une attaque destinée à réduire la tête de pont lancée par les Allemands sur la Somme. Devant la disproportion des moyens opposés, celle-ci s'avère infructueuse. Très éprouvé le régiment doit faire face, dès le lendemain à, une nouvelle poussée ennemie. Il se replie à nouveau en direction de HUPPY (Somme) puis de PIERRECOURT, au sud de BLANGY (Seine-Maritime).
Le 8 Juin, une intense activité de l'artillerie se manifeste de part et d'autre, laissant prévoir une attaque imminente de l'adversaire. Les feux nourris de l'artillerie allemande contraignent le régiment à se replier sur la maison forestière des GRANDES VENTES, puis dans la nuit du 9 au 10 Juin, en direction de l'Ouest. Regroupé à ST VALERY EN CAUX, il reçoit pour mission de protéger les embarquements par mer.
Le 12 Juin, après avoir épuisé toutes ses munitions, le 56eme régiment d'artillerie met bas les armes. Il est alors fait prisonnier
."


Le carton détenu au SHD est d'une indigence rare : On n'y trouve que le rapport de l'Adjudant Cau, libéré comme grand blessé après l'armistice, dont voici une copie :

Rapport de l’adjudant Cau Francis de la 5e bie du 56e RAMD sur l’attitude du capitaine Robert et de sa batterie au combat de Manneville-es-Plain les 11 et 12 juin 1940.
La 5e Bie du 56e RAMD commandée par le capitaine Robert prend position le 11 juin 1940 à 15h30 en bordure d’un chemin creux à la sortie de Manneville-es-Plain, à 300 mètres de la route de St Valery-en-Caux à Veules-les-Roses.
La situation est assez confuse, le chef d’escadron cmdt le 2e groupe du 56e RAMD, Commandant Anduze
, parti à midi en direction de St Valéry à la recherche du PC du régiment, n’est pas encore revenu et ne devait plus revenir, tué à St Valéry vers 14h30 dans la voiture du Colonel Verdier, Cdt le 81e RIA, accompagné de son capitaine-adjoint Lieutenant Alcalis. Ces 3 officiers, tués sur le coup par l’éclatement d’un obus tombé à 4 mètres derrière la voiture, reposent au cimetière de la ville (1) . Le Capitaine Mullot, capitaine-adjoint, prend le commandant du groupe.
Le Capitaine Robert reçoit comme mission de tirer en direction de St Valéry. Les lignes paraissent être assez mouvantes et les renseignements précis manquent. Néanmoins le Capitaine a à cœur de soutenir au maximum l’Infanterie qui se bat sans relâche depuis le 4 juin, cela il le fait avec des moyens de fortune, en effet c’est à l’aide d’une carte d’almanach postal qu’il détermine la distance des objectifs.
Vers 20 heures un coup de téléphone annonce au Capitaine que ses tirs ont été observés par un Sous-Lieutenant du 73e d’Artillerie qui passe le message suivant : « J’ai pu observer votre tir, il était très bien, vous avez atteint des chars ennemis, tirez maintenant 400 mètres à droite car les chars se sont déplacés. »
La batterie tire jusqu’à 23 heures. Quelques coups fusant éclatent au dessus de la position sans faire de mal.
Vers 0h30 un ordre reçu par téléphone prescrit de mettre les canons hors de combat et de se préparer à embarquer en emportant les armes individuelles et automatiques ainsi que les sacs. Les appareils de pointage sont alors faussés les culasses démontées et les différentes pièces dispersées dans les champs aux alentours.
La batterie se rassemble en ordre dans le chemin creux et fait une centaine de mètres dans la nuit. La pluie a commencé de tomber. Tout à coup un ordre arrive : « Halte, attendez de nouveaux ordres. ». Les hommes sommeillent en s’abritant de leur mieux.
Après un moment d’attente, voyant qu’aucun ordre ne venait et comprenant que la situation était grave le Capitaine Robert et la Capitaine Mullot se rendent au QG de la division pour y obtenir des ordres précis. 

Le général leur répond : « Nous devons tenir le secteur et nous le tiendrons jusqu’au bout » (2) .
Vers 5 heures du matin, le capitaine fait mener toute la batterie dans la cour du château de Manneville. La pluie continue de tomber fine et froide. Le capitaine ordonne au brigadier d’ordinaire de faire le café pour tout le monde.
Au bout d’un moment je suis prévenu par un canonnier que le Capitaine me demande ainsi qu’à l’adjudant de batterie. Nous le trouvons, calme et songeur, à l’entrée du château, le visage un peu pâli par l’effort incessant qu’il ne cesse de soutenir depuis le début de cette campagne de la Somme qui ne lui a laissé aucun moment de répit. Marchant la nuit et une partie de la matinée, mangeant à la hâte le même menu que ses hommes, préparant les tirs demandés, en surveillant l’exécution et recommençant ainsi chaque jour à donner à chacun l’exemple du chef dans tout ce que ce rôle exige d’abnégation et de sacrifice.
C’est à ce moment que le capitaine nous met au courant de la situation telle qu’elle se présente. Il nous relate brièvement sa visite au QG de la Division et la réponse du Général et nous dit ensuite, « Je viens d’apercevoir au large des bateaux de guerre qui croisent. Nous pourrons certainement embarquer mais avant tout nous devons nous défendre. L’Infanterie va attaquer et nous devons nous tenir prêt à lui apporter le maximum d’aide. »
- « Cau vous allez amener sur la position de Batterie et remettre toutes les pièces en état de tirer.
- Bourdel (c’est le nom de l’adjudant de Batterie) vous allez amener tous les conducteurs, faites rebatter les mulets prêts à charger le matériel dans le cas où il faudrait progresser avec l’Infanterie. »
J’exécute l’ordre que je viens de recevoir en en vingt minutes, 3 pièces sur 4 sont prêtes à tirer. Seule la 4e est impossible à remettre en état car le frein a subi une avarie et s’est complètement vidé. Je rends compte au capitaine du résultat, il m’accueille avec un grand sourire et me dit en me tapant amicalement l’épaule : « Ca va mieux, hein Cau ? Vous savez, l’ordre de mettre les pièces hors de combat, et bien il y a là-dessous un coup de la 5e colonne, je vous raconterai ça… »
L’entrain et la bonne humeur du capitaine ont gagné ont gagné tout le monde et chacun a reprit confiance en voyant son chef heureux du résultat qu’un travail acharné et violent vient d’obtenir.
La 5e Batterie ne possède que peu de munitions sur sa position et le Capitaine fait organiser une corvée pour aller chercher des caisses d’obus, de douilles et de fusée sur la position de la 6e Batterie distante d’environ 150 mètres. La pluie a cessé de tomber.
Le Capitaine Mullot passe sur la position de la 5e batterie. Tout le monde est à son poste. Il demande au Capitaine Robert de tirer en direction de Veules-les-Roses car c’est par là que le crépitement des mitrailleuses est le plus intense. Le capitaine part sur la route de Veules-les-Roses en compagnie de son Lieutenant de tir, le Sous-Lieutenant Thomas, à la recherche d’un observatoire.
C’est alors que nous essuyons une première rafale de balles traceuses provenant d’un bois où depuis un moment on entend une fusillade intense. Le Sous-Lieutenant Thomas revient rapidement à la Batterie. Je le mets au courant de ce qui vient de se passer. Il part, la canne à la main, debout, à travers champs en direction du bois où le bruit des mitrailleuses est de plus en plus fourni. Il revient en courant après avoir atteint la lisière et nous crie de nous préparer à tirer sur des chars.
Pendant ce temps le capitaine est revenu sur la position et fait disposer les trois pièces de manière à utiliser au mieux la position de Batterie. Les hommes sont nerveux, moi-même je ressens à ce moment ce que l’on pourrait appeler « l’angoisse du combat ». Le Capitaine d’une voix assurée commande : « Pièces essieu-bas ! ». La manœuvre est exécutée rapidement et en ordre. Les servants préparent les munitions, les pointeurs sont attentifs auprès de leurs appareils. Tous les servants sont à genoux à leur poste de combat. Le capitaine, le Sous-Lieutenant Thomas, l’Aspirant Dubuey, chef de la 2e Section, et moi-même chef de la 1ère Section sommes debout et scrutons à la jumelle la lisère du bois d’où vont surgir les chars.
Ils surgissent, un peu sur la gauche du champ de tir, à la corne du bois, cinq sur la droite en direction de St Valéry. La batterie ouvre le feu, la 1ère pièce prend à partie le char de gauche, les 2e et 3e ceux de droite. Les chars ripostent. La 3e rafales du char de gauche éclate sur la première pièce, le Capitaine Robert donne l’ordre de s’abriter dans le chemin creux. Il y a 3 morts : 1er D’Amico Marius (3) servant à la 1ère pièce, 2e Espagnon Charles, servant à la 1ère pièce, 3e Barthou Alexandre, pointeur à la 2e pièce. Et quatre blessés :
Adjudant Cau, chef de la 1ère Section.
Brigadier Debranc Etienne, chef de la 1ère pièce.
Marrot Marcel, servant à la 2e pièce.
Caly François, pointeur à la 3e pièce.

Les morts et les blessés sont descendus dans le chemin creux, le Sous-Lieutenant Thomas, le Lieutenant Roucquette (Vétérinaire-Lieutenant qui se trouvait sur la position) essaient de sauver D’Amico qui râle avec les deux jambes sectionnées.
Le Capitaine ordonne aux brancardiers d’évacuer les blessés vers le poste de secours et part lui-même reconnaître si le chemin de la mer est encore libre. Les chars n’ont pas essayé de s’approcher et ont disparu. Le capitaine revient en annonçant que le chemin est libre. Me voyant blessé, il prend dans ses bras et sanglote un peu en me disant « Et dire que moi je n’ai rien, c’est terrible Cau, vous comprenez, ce sont mes hommes. »
Le Capitaine se ressaisit rapidement et donne l’ordre de commencer à acheminer les servants vers la mer par petits groupes. Il annonce qu’il va lui-même chercher les conducteurs restés à l’échelon.
J’ai l’impression que je peux marcher et je me dirige vers la mer, soutenu par le Mdl Delmau et le canonnier Delgenes. Nous sommes fait prisonniers en arrivant au bord de la falaise par les équipages de deux chars allemands qui gardent l’accès sur la plage.
Je devais voir quelques instants après le Sous-Lieutenant Thomas tué d’une balle en plein front et apprendre qu’il était tombé en se dirigeant vers la mer après avoir quitté le dernier la position de Batterie.

L’adjudant Cau, Chef de la 1ère Section de la 5e batterie du 56e RAMD

(1) : J’ai connu le détail de la mort de ces trois officiers par le récit que m’en a fait le chauffeur de la voiture, soldat Grisonne du 81e RI, qui, blessé en même temps, était mon voisin de lit à l’Hospice Général de Rouen du 14 au 27 juin 1940 date à laquelle il est parti dans un camp de prisonniers.
(2) Ces paroles me furent rapportées par le Capitaine le 12 au matin.
(3) D’Amico était conducteur muletier. Il venait volontairement servir la pièce pour aider ses camarades car le peloton de pièce était incomplet.


A noter qu'il n'existe pas d'historique régimentaire connu pour la période 1939-1940. Le JMO, selon toute vraissemblance, a été détruit à St Valéry.




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